Appel à contributions « Fake news : médium et médias au service d’imaginaires communautaires »

Colloque – Université Bordeaux Montaigne, 15 et 16 Avril 2019

 

Problématiques générales, synthèse

A la croisée des différentes disciplines de Sciences Humaines, ce colloque prétend proposer un espace de réflexion autour des nombreux supports de divulgation de la fake news, historique ou actuelle. Il s’agira alors de questionner la relation de ces supports à leur contenu (dés)informatif, à leur diffusion ainsi qu’à leurs pouvoirs informationnels participant de l’élaboration d’imaginaires communautaires.

En effet, et sans pour autant être un phénomène nouveau, force est de constater que la diffusion de fausses informations a connu une recrudescence radicale à l’aune de la démocratisation d’internet. Ce nouveau médium, accessible au plus grand nombre, permet à tout un chacun de propager aussi facilement qu’efficacement les informations de son choix. Dans ce flot de données, nombre d’anonymes choisissent d’emprunter leur forme aux médias d’information afin de diffuser de façon crédible, et d’autant plus opérante, de fausses actualités. À but satirique ou au premier degré, de nombreux sites imitant les pages de vrais journaux et au contenu fallacieux ont ainsi vu le jour. Parallèlement, des médias déjà en place ainsi que certaines personnalités politiques jouent de leur apparente fiabilité et des nouveaux moyens de communication afin de transmettre au plus grand nombre des informations erronées venant servir leurs discours respectifs.

Aussi, s’il serait inexact de considérer que les actualités mensongères ne peuvent être colportées que sur le Net, cette nouvelle conjoncture permet toutefois de souligner la prévalence du médium dans ce qui peut être considéré comme une usurpation de la position médiatique. Car si le terme de « fake news » ne connait toujours pas de définition officielle en français(1), il dit tout de même littéralement la fausseté de la « nouvelle » ; une fausseté qui peut concerner tant son contenu informationnel, que la méthode de divulgation(2). Les conditions de confiance menant à la persuasion ne reposent donc pas uniquement sur la crédibilité des éléments présentés (elle-même subjective), mais aussi sur une autorité formelle et/ou de notoriété des auteurs qui déterminent la réception des fausses informations. Le phénomène n’est donc pas propre à notre époque et était déjà observable dans des périodes moins contemporaines comme lors de la diffusion de l’Anecdota du Byzantin Procope de Césarée(3) ou des pasquinades de Pierre l’Aretin(4).

Comme dans ces deux derniers exemples, la divulgation de fausses informations vient quelquefois servir des intérêts politiques en prétendant modifier les représentations que se font les lecteurs des individus en charge d’affaires publiques. Plus généralement, la fake news peut venir modifier les représentations que se fait le récepteur de l’altérité et de l’environnement social, le poussant parfois à repenser ses positions et actions au sein de la société. Ce même phénomène est au cœur des mécanismes de construction des mythes communautaires qui développent des récits étiologiques et fédérateurs qui bouleversent le rapport de chacun à la réalité. Ces récits des origines et de l’exception partagée permettent, en effet, la construction d’une continuité narrative et chronologique qui forge un lien indissoluble et immuable entre les membres du groupe, présent ou passé. Que ce soit donc dans une perspective communautaire ou communautariste, subjective ou objective (d’auto-désignation ou de désignation d’autrui), l’idée de communauté repose donc sur « l’identité narrative » que Jean-Marc Ferry définit comme l’identité « qui organise sa compréhension du monde sur des catégories de l’Evénement et du Destin qui sont celles du récit épique et du mythe »(5).

Aussi, face à ces observations, ce colloque cherche à s’interroger sur le lien entre la fabrication formelle des fake news et la construction de certains imaginaires. En effet, dans quelle mesure la diffusion de fausses informations peut-elle participer à l’élaboration de récits communautaires?

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1 Voir à ce sujet la tribune de Mathias GIREL « Comment se dit « fake news » en français ? » publiée dans Libération, 11 juin 2018. 2 William ANDUREAU, «Pourquoi il faut arrêter de parler de “fake news” », Le Monde, 31 janvier 2017. 3 L’Histoire secrète de Justinien, diffusée vers 550 visait à décrédibiliser l’empereur du même nom au travers de fausses informations pourtant présentées comme véridiques. 4 Cherchant à influencer les élections du nouveau Pape en 1522, Pierre l’Arétin diffusa publiquement des textes satiriques et mensongers décrédibilisant les rivaux du favori de ses mécènes.

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Nous encourageons la diversité des approches (philosophique, historique, linguistique, littéraire, journalistique, politiste, etc.) et proposons quelques pistes non-exhaustives de réflexion:

* Le rôle de la fake news et de son médium dans le développement de mythes nationaux et nationalistes.

* Les supports de diffusion de la fake news chez les communautés complotistes et la décrédibilisation des pouvoirs en place.

* Médias et diffusion de la fake news dans l’histoire des communautés religieuses.

* Les formes de la fausse information à l’encontre des communautés minoritaires.

 

Modalités de soumission

Les propositions, de 400 mots maximum, sont à envoyer avant le 15 janvier 2019. Elles seront accompagnées du titre de la communication, d’une courte bibliographie ainsi que d’une notice biographique. Les communications pourront se faire en français ou en anglais.

Adresse d’envoi : fakenewscolloque@gmail.com

Comité d’organisation : Inès Da Graça Gaspar (AMERIBER EA3656), Marco Tuccinardi (SPH EA4574).

Date de réponse : 20 janvier 2019